avril 23, 2020

La semaine dernière, je vous ai introduit ma nouvelle série d’articles sur le concept de Nassim Nicholas Taleb : l’antifragilité. L’antifragilité, ce n’est ni la fragilité, ni la robustesse. C’est la capacité d’un organisme à se nourrir des crises. À la lecture de ce livre-révélation, j’ai décidé de décliner le concept sous forme de plusieurs principes de management, et de vous proposer pour chacun d’entre eux un test qui vous permettra de situer votre propre curseur de l’antifragilité. La question d’aujourd’hui est la suivante : êtes-vous gros, lent et rigide ?

Quelle taille pour une équipe antifragile ?

Voilà ce que dit Taleb : plus la taille d’une organisation est importante, plus son fonctionnement est complexe, et plus il est difficile d’y voir clair, donc de s’adapter. À mesure que nos organisations ont grossi, nous avons créé un tas de systèmes interdépendants, reliés entre eux par des liens rigides (processus, flux tendus, etc.). Nous avons aussi supprimé les redondances pour réduire les coûts. Résultat : nos systèmes sont devenus ultra-fragiles. Le moindre grain de sable dans l’engrenage a des répercussions désastreuses dans l’ensemble de la chaîne. 

En management, c’est pareil. Plus votre équipe est grosse, lente et rigide, plus vous êtes fragile. Et comme si cela n’était pas suffisant, la complexité d’une équipe empêche ses membres de « sentir » les changements d’environnement. Ainsi, un petit imprévu, au lieu d’être réglé naturellement par un simple ajustement, entraîne un branle-bas de combat inutile et coûteux parce que la réaction est trop tardive. 

La taille idéale, je ne peux pas la chiffrer pour vous. La spécificité de votre activité et de l’organisation de votre entreprise entrent évidemment en jeu, et peuvent faire varier ce nombre. Mais je vais vous donner des conseils précis pour que VOUS soyez en capacité d’arbitrer cette décision. La seule chose à retenir ici, c’est que le secret d’une équipe antifragile, quel que soit le nombre de vos collaborateurs, réside dans la création de petites cellules autonomes (et l’adaptation de celles-ci chaque fois que votre structure grandit). Et il y a trois raisons à cela. 

Le secret d’une équipe antifragile : la création de cellules 

Raison n° 1 : diminuer la complexité de votre équipe et augmenter son autonomie

Plus vous diminuerez la taille de vos cellules, plus vous permettrez à vos collaborateurs de se concentrer sur un nombre réduit de problématiques. Le travail sera redistribué. L’avantage, c’est qu’avec moins de problématiques à gérer, vos collaborateurs auront une meilleure compréhension des problématiques qui leur incombent. Et en augmentant leur compréhension, vous faciliterez leur autonomie. C’est tout à fait mécanique. Si du jour au lendemain, j’ai moins de choses à gérer, je suis beaucoup plus efficace et à même d’évoluer sur mes tâches. Et plus j’évolue sur une tâche, plus je suis capable de prendre des décisions à son sujet !

Le deuxième avantage, c’est que la réduction des cellules augmentera également la performance, et donc l’engagement de vos collaborateurs. C’est l’effet Ringelmann qui démontre cela : à mesure qu’un groupe augmente, la performance de chacun diminue. 

Raison n° 2 : réduire la friction de communication de votre équipe

Dans la partie précédente, je disais que je ne pouvais pas chiffrer à votre place la taille idéale pour votre équipe. D’abord, parce que c’est vrai : il est possible que votre activité nécessite des ajustements que je ne connais pas. Ensuite, parce que vous-même n’avez peut-être pas choisi le nombre de collaborateurs qui composent votre équipe. 

Mais malgré tout, il y a quand même des limites naturelles à ne pas dépasser. Le chiffre limite, c’est 8. Je détaille la raison à ce chiffre dans cette vidéo très courte sur ma chaîne YouTube. Mais en gros, ce dont il s’agit, c’est de faire attention à la friction de communication. La friction de communication, c’est le seuil à partir duquel la communication perd tellement en fluidité qu’elle dégrade complètement l’efficacité d’une équipe. 

Raison n° 3 : ouvrir des champs de croissance à votre équipe

Nous avons vu juste avant que la création de cellules permet d’augmenter la connaissance, l’expertise et l’autonomie des collaborateurs qui la composent. Avez-vous déjà vécu ce type d’évolution ? Vous savez, lorsque vous maîtrisez enfin votre sujet suffisamment bien pour pouvoir prendre du recul. Vous êtes rassuré, donc capable d’autonomie, d’esprit critique et de créativité. C’est exactement à ce moment-là que les opportunités de croissance se présentent, et ce n’est pas un hasard : vous êtes devenu suffisamment bon pour les provoquer, ou pour saisir les opportunités. 

Voilà les trois raisons pour lesquelles vous devriez créer des cellules autonomes au sein de votre/vos équipe(s). Mais cela ne vous dit pas comment vous y prendre ! 

Comment créer des cellules au sein de son équipe ?

Pour que vos cellules soient vraiment efficaces, vous devrez respecter ces trois principes.

1. Abattez les silos

Un silo, c’est un ensemble de personnes similaires dans leurs compétences et dans leurs modes d’action (l’équipe commerciale, l’équipe comptable, etc.). STOP à ce genre de cellules « de facilité » ! Les cellules, c’est l’inverse, puisqu’elles doivent être autonomes au quotidien. Une bonne cellule réunit donc des personnes diverses, dont l’interaction va permettre des fonctionnements et des prises de décisions éclairées et autonomes. Par exemple : l’équipe du marché des imprimeurs (composée de commerciaux, de logisticiens, et de techniciens).

2. Créez des cellules diversifiées ET managées

Cette règle répond à un principe de Taleb, selon lequel être trop proche de la moyenne n’est pas la bonne solution. Voyez plutôt :

Naturellement, la facilité et le bon sens nous pousseraient plutôt vers l’équipe de gauche. Les gens s’y ressemblent, sont tous proches de la moyenne, et donc auront certainement une meilleure entente. Pourtant, l’équipe antifragile est celle de droite, puisque plus riche dans sa capacité à répondre de manière adéquate aux crises imprévisibles. Effectivement, le risque de conflit est peut-être un peu plus élevé. Mais il y a une solution à cela : mettre en place un manager pour chaque cellule, qui sera à la fois centre décisionnel, nœud de communication interne, et responsable de la coordination avec les autres cellules. 

3. Autorisez les erreurs

Le droit à l’erreur est la condition sine qua non de l’autonomie. Sans erreur, pas d’autonomie. Et surtout, sans erreur, pas d’antifragilité. Une structure antifragile DOIT faire des erreurs. Mais nous y reviendrons dans l’article de la semaine prochaine. 

Test antifragile n° 1

En attendant, commencez par faire le test n° 1 de l’antifragilité avec votre équipe. Posez-vous ces 3 questions, et répondez-y à l’écrit, avec honnêteté : 

  • Mes équipes dépassent-elles 8 personnes ? Si oui, est-ce vraiment justifié et nécessaire ? 
  • Mes équipes sont-elles diversifiées (c’est-à-dire ni toutes moyennes, ni en silos) ? 
  • Mes équipes sont-elles autonomes (VRAIMENT autonomes) ? Si vous ne savez pas y répondre, je vous invite à lire cet article sur l’autonomie

Si vous ne répondez pas un oui franc à chacune de ces 3 questions, vos équipes sont peut-être plus fragiles que vous ne le pensiez. Ce n’est pas grave : vous avez une marge de manœuvre certaine pour adapter et assouplir votre fonctionnement, et tous les conseils pour le faire sereinement. N’oubliez pas que vous avez aussi le forum ODM à votre disposition pour discuter de ces sujets. Il est très très actif en ce moment. 

Bonne semaine !  

Manon Watine pour ODM