janvier 21, 2020

De la littérature qui fait le lien entre psychologie et management, il y en a à la pelle ! Il suffit de taper « psychologie et management » dans la barre de recherche Google pour s’en rendre compte. Alors oui, dans les deux cas, l’objet d’étude est l’humain. Mais l’approche, les objectifs et les outils sont si différents qu’en fait, lier psychologie et management sans nuance semble finalement peu opportun, voire carrément dangereux. 

Psychologie et management : des objectifs différents

D’abord, penser que votre mission est d’ordre psychologique, c’est faire une grave erreur. Vous êtes manager. La psychologie, ça n’est ni votre sujet, ni votre priorité. Votre problématique à vous, c’est d’obtenir de la performance en influant sur les comportements, les actions de vos collaborateurs. Donc, vous éloigner de cette mission, c’est prendre le risque de vous perdre. 

Le premier biais quand on confond psychologie et management, c’est qu’on confond fin et moyens. L’entreprise qui vous nomme manager, qui vous donne donc un pouvoir hiérarchique sur vos collaborateurs, attend de vous que vous leur permettiez d’obtenir des résultats. Pas que vous agissiez sur leur psychisme. On peut (et on doit, à mon avis) être sensible au bien-être des personnes. Mais ça n’est pas le but ultime de l’entreprise ! C’est une réalité peut-être cruelle, mais la survie de l’entreprise dépend avant tout de sa performance. Si le bien-être au travail et la performance sont étroitement liés, il faut bien que l’entreprise existe, donc fasse du chiffre, pour pouvoir travailler sur ces problématiques. 

Vous ne comprendrez jamais vos collaborateurs

Les arguments utilisés pour faire le lien entre psychologie et management sous-entendent que si on comprend les motivations internes, les jeux d’affects, les désirs et les peurs de nos collaborateurs, on pourrait alors agir directement sur leur moteur. Ça parait d’une logique implacable, et pourtant : d’une part, je ne suis pas sûr que ce soit si vrai, d’autre part, ça semble très peu éthique. 

Croire que vous pouvez tout comprendre des émotions et de la psychologie de vos collaborateurs est une illusion. Imaginez vos collaborateurs sous la forme de trois cercles imbriqués :

  • le cercle central représente ce que le collaborateur lui-même peut ne pas connaître de lui : peurs, désirs intimes, résultants de ses origines et de son histoire ;
  • le cercle périphérique représente les pensées, les émotions personnelles conscientes, exprimées ou non par votre collaborateur ;
  • le cercle extérieur représente les comportements, c’est-à-dire la seule chose que vous êtes en capacité de connaître sans qu’il vous en parle. 

La perception s’arrête vraiment à l’extérieur du cercle : vous pouvez voir ce qu’ils font, entendre ce qu’ils disent – le reste, vous ne pouvez que le deviner. C’est donc une erreur de penser qu’en observant, on sait ce qui se passe à l’intérieur. C’est faux ! Votre collaborateur ne sait parfois même pas pourquoi il fait telle ou telle chose. D’ailleurs, un psychologue lui-même n’a pas accès à tout, mais la différence est là : le patient a choisi de consulter un psychologue, il a fait une demande, il s’est engagé dans cet effort. 

Rendez-vous compte en plus que vous êtes rarement manager d’une seule personne. Imaginez le nombre d’interactions potentielles conditionnées par nos trois cercles pour une équipe de 8 personnes : c’est énorme et très complexe ! Votre job avec ces 8 personnes, c’est de faire en sorte qu’elles tournent ensemble et que leurs interactions amènent à une action coordonnée et efficace pour la boîte. Si vous deviez en plus les forer jusqu’au centre pour comprendre comment chacune d’elles fonctionne, puis ressortir pour l’influencer, et qu’elle tourne bien avec les autres… 

Je pense que vous n’êtes pas formé pour ça, et que vous avez plein d’autre choses à faire (d’autant plus si vous avez une mission de contributeur).

Comprendre vos collaborateurs ne sert à rien

Même si vous étiez supérieur à tout le monde et que vous aviez la capacité de comprendre vos collaborateurs, cela ne servirait à rien. L’entreprise, c’est le monde de l’action. Il n’y a que l’action qui engendre le résultat. C’est pour cela qu’en management, on s’intéresse aux comportements plutôt qu’aux pensées. On ne cherche pas à actionner en secret des leviers chez eux, à mettre les mains dans le moteur sans qu’ils n’en sachent rien ; on travaille en collaboration avec eux. Ils sont acteurs de tout changement.

En plus, la seule personne à même de changer son comportement, c’est votre collaborateur. Vous ne pouvez pas faire changer quelqu’un qui ne le désire pas. D’ailleurs, les psychologues le savent. Une fois qu’ils ont compris quelque chose de leur patient, ils le laissent évoluer selon son désir. Donc abandonnez l’idée de la manipulation : c’est un pistolet à un coup. Même si ça marche à un moment, ça ne dure pas, parce que vous ne pouvez pas rester indéfiniment seul dans la conversation. 

Vous ne pouvez et ne devez pas soigner vos collaborateurs

Quand un collaborateur va mal et l’exprime, c’est délicat. Vous ne pouvez pas (et encore, une fois, je pense que vous ne devez pas) rester insensible. Vous êtes un être humain !

Et en plus, vous devez œuvrer à la fidélisation et à la rétention. Donc même si vous avez peu d’empathie pour une personne, à partir du moment où elle est performante est utile à l’entreprise, vous devez faire en sorte qu’elle reste. 

Mais vous n’êtes pas là pour soigner vos collaborateurs. Vous pouvez les aider à agir mieux, pas à aller mieux. Votre domaine, c’est la performance. Le bonheur est une donnée qui échappe totalement à l’entreprise, parce que c’est indéfinissable, personnel et subjectif. Quand j’entends des dirigeants qui insistent sur l’aspect social et leur connaissance du bien-être que la boîte procure aux salariés, ça allume toujours une lumière rouge chez moi. Entre vouloir obtenir de la performance et de la satisfaction et imposer une conception enfermante et manipulatrice du bonheur, la frontière est étroite. Je préfère entendre : « Mon entreprise a besoin de performance, et pour l’obtenir, je mets mes salariés dans de bonnes conditions de travail ». C’est beaucoup plus honnête, pragmatique et réaliste. C’est cohérent et ça fait sortir de la confusion. 

Psychologie et management : 3 façons de manager efficacement ET dans le bien-être

Concentrez-vous sur les comportements

Je le disais juste au-dessus, l’entreprise est le monde de l’action. Si vous vous focalisez sur les pensées et les émotions, vous risquez de vous perdre et d’oublier que votre matière à vous, ce sont les comportements. 

Agir sur les comportements de vos collaborateurs, c’est renforcer ceux qui sont positifs, et ajuster ceux qui sont négatifs. Attention, vous ne pouvez pas juger ça au feeling. Votre référentiel : la performance de l’équipe. Quand vous émettez un jugement réflexe du type « Ce collaborateur n’est pas sympa », faites toujours l’effort de réfléchir et de déconstruire votre jugement. Votre jugement provient d’un comportement que vous avez observé. C’est ça qui doit vous intéresser. Et l’outil pour travailler ces comportements, c’est le feedback (retrouvez tous mes articles, podcasts, et vidéos sur le feedback en utilisant la barre de recherche). 

Mettez en place les conditions du flow

Le flow est un concept développé par Mihály Csíkszentmihályi, chercheur et psychologue hongrois. Le flow, c’est donc l’état d’expérience optimale, qui génère une joie profonde et une grande performance, selon 5 conditions. L’avantage, c’est que ces 5 conditions, vous pouvez tout à fait les mettre en place dans l’environnement de travail de vos collaborateurs. 

  1. Il faut que la cible visée soit claire : fixez des objectifs limpides ;
  2. L’activité doit fournir une rétroaction immédiate : utilisez les feedbacks ;
  3. La personne doit contrôler ses actions : favorisez l’autonomie, parlez plutôt du Pourquoi que du Comment ;
  4. La personne doit se concentrer uniquement sur ce qu’elle fait : programmez des 1 à 1 et des réunions d’équipe qui permettent d’organiser le temps et de réduire les interruptions ;
  5. La tâche entreprise doit être réalisable, mais doit constituer un défi : fixez des objectifs challengeants, mais pas trop.

Utilisez le DISC

Le DISC est un outil en partie psychologique, puisqu’il s’agit d’un test de personnalité qui définit des modes comportementaux. Le passer vous-même et le faire passer à vos collaborateurs (de façon transparente, en leur expliquant toujours le Pourquoi et le Comment) est très intéressant ! Il ne s’agit pas de comprendre profondément vos collaborateurs, mais d’apprendre à adapter votre propre comportement au leur. Cela vous permettra de savoir les mettre le plus souvent possible dans des situations qui les rendent efficaces (puisque vous les choisirez en adéquation avec leur profil). 

Vous l’aurez compris, je trouve que les liens entre psychologie et management sont souvent flous et confondants. Se prendre pour un psychologue quand on est manager, c’est ne pas respecter l’intimité de ses collaborateurs, et en plus, ça n’est pas efficace. Ça peut même devenir dangereux, quand on commence à se prendre pour un Dr Jekyll qui tente de manipuler ses collaborateurs. Néanmoins, évidemment et heureusement que les sciences humaines ont dégagé des grands principes qui aident à analyser les processus de motivation et d’efficacité de l’être humain. Et ça, chers managers, c’est la mission que vous avez acceptée !

Manon Watine pour ODM